lundi 5 novembre 2018

Vous savez, moi je suis… en partance.

En partance, ça veut dire ce temps d’avant le moment du départ. Celui de l’impulsion. Pas encore le pas en avant…
Je sais d’où je pars, mais pas encore tout à fait où je vais. On verra. Et « on verra » c’est déjà une
respiration. Celle de la fenêtre qu’on ouvre en grand, pour chasser l’air vicié et faire entrer la lumière !
Je sais d’où je pars.
Mais je sais aussi d’où je viens. Travail social. Social souvent aisé, social un peu bobo, mais social quand même. Relationnel. Social de palabres. Treize années en crèche parentale, à partager le monde et en présenter des morceaux à des tout-petits et à le refaire avec leurs parents, ou vice versa… Du « pas facile au début », le temps de faire sa place, de savoir se dire et se vivre comme professionnelle. Professionnelle engagée, bousculée et bousculante, plus vivante, que délibérément savante. Surtout. Revendiquée. Et du bonheur plein les journées, plein le travail, au point de presque oublier la vie à côté. Parce que la vie était là, plus forte qu’ailleurs. Dans ses batailles et ses joies. Pas le monde aseptisé, normé, hyper sécurisé, rythmé, contrôlé, évalué, formaté qu’on ré-impose hélas trop souvent aujourd’hui aux professionnels, aux enfants, dans nos institutions. On ne tire donc jamais de leçons de l’Histoire ?
Puis après le passage initiatique à l’Université, seize, bientôt dix-sept ans dans la formation des professionnels. Formatrice, Développeuse, Coordinatrice, Directrice. Années de militantisme, d’engagements et de partages. Formatrice. La joie d’accompagner, de découvrir, de transmettre, de voir naître. Développeuse. Je n’étais pas très bonne à ce jeu-là, j’ai jamais bien su conseiller et vendre. Coordinatrice. La petite cuisine, le cul entre deux chaises, le pouvoir sans le pouvoir, le bricolage, les projets et la confiance à construire, gratifiante. Directrice. Le pouvoir sans le vouloir, la responsabilité, la charge, gratifiante et gratifiée quand même aussi parfois. Jamais facile. Pas toujours à la « bonne place » diront certains ? Les jaloux, les incertains, les contradictoires. Mais quelle place ? L’attendue, l’enviée, la rassurante, la solitaire, la honnie, la coupable, l’imprécise, la distante. Alors plutôt fière de n’avoir pas été toujours à la « bonne place » si la « bonne » était trop attendue, trop étroite et trop figée. Y’a plein de façons d’être Directrice m’a dit une collègue un jour où je doutais. Y’en aura eu plein, des jours de doutes. Et moi je crois que le doute a fait de moi une Directrice suffisamment bonne. Et tant pis s’il y en a pour le regretter.
Je sais d’où je pars. D’où je veux partir.
Simplification. Qui veut dire complexification. Evaluation. Qui veut dire distanciation. Libéralisation. Qui veut dire déqualification. Universitarisation qui veut dire disparition. Enfin je le crains. Et je ne sais plus comment lutter. Tous ces mots en « tion » ont fini par avoir raison de cette passion (« pas-tion » hé hé) qui m’animait. Grosse fatigue. Pas l’énergie de me battre encore. Trop vieille. Je laisse la place aux jeunes et j’en ai rencontré quelques-uns (suis pas désespérée non plus) qui auront l’énergie de la résistance. Moi suis trop « has been » sans doute dans un monde que je ne comprends plus très bien et où on me parle plus que de « process », de « foad », de « focus » (j’entends chaque fois « faux cul »), de « one to one », de « Save the date ». L’évolution de ce monde-là me ronge les ailes et le courage. Ma passion j’ai envie de la mettre ailleurs. Parce j’ai la chance d’avoir un ailleurs – artistique - passionnant, créatif, libérateur, qui va me faire renouer peut-être, je l’espère avec le social de mes débuts : celui de la créativité, de la rencontre, du partage, du cœur à cœur, de l’émotion (oups). Moins riche et plus riche en même temps pour renouer avec le désir et mes valeurs profondes. Et qui sait… ? je vais peut-être me retrouver accessoirement travailleuse sociale dans l’animation d’ateliers en EPHAD. On ne renie donc jamais ses amours de jeunesse ? j’espère bien !

Véronique

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