mercredi 30 janvier 2019

"Aller vers"

La prévention spécialisée dans les locaux de la ferme de Champagne le sacro-saint de la "rééducation spécialisée"...La PJJ...
Un gouffre dans la manière de travailler : la libre adhésion d'un côté, l'obligation de l'autre...l'absence de mandat, le jugement pour ligne directrice...l'anonymat, les rapports au juge...
Pourquoi ? Pour parler addiction... avec les jeunes.
Le cadre de la "prév" est garantie par l'équipe sur place alors on y va.
Les jeunes on ne les connait pas, jamais vus, jamais entendu parlé et tant mieux.
On y est et...ils sont là...
Il est midi on a prévu de manger avec eux.
Attablés...Ils sont quatre ce jour là. Deux places sont libres entre eux, l'une en face de l'autre.
Téléphone portable, écouteurs sont sorties...
Alors les regards sont intrigués quand on entre dans le réfectoire "C'est qui eux ? ".
Sa fuse dans les têtes, les regards sont pesants, jugeant, inquiets ?
Les jeunes ont presque fini de manger, deux places  libres entre eux et au milieu de la table...
Pas évident ! Pourtant si on n'y va pas inutile d’espérer quoique se soit... En même temps c'est leur temps de pause déjeuner, tranquille... Hésitation.
Cette hésitation c'est un mélange de gêne, de peur de l'inconnu de la relation , de se faire recaler... C'est le moment ou l'on commence à grimper à une falaise et l'on espère être bien assuré...Cette falaise c'est celle de la rencontre, de l'altérité, de la relation...
Ce moment, c'est le moment pour lequel on est là.
Alors on y va : "Bonjour, ça vous dérange si on mange avec vous ? "
Basique mais décidé, une vraie envie d'être là, avec eux, de partager.
Une vraie envie qu'ils sentent cette intention, l'intention autant que les mots, le corps autant que l'esprit.
"Non pas de soucis".
Le premier pas est fait on est parmi eux, juste à côté, côté à côté, dans la forme comme sur le fond.
Maintenant il faut tisser... Tisser le lien entre eux et nous.
Alors, on sort les outils. Pour des bricoleurs de la relation, on prend le temps de se présenter, on toise les réactions puis on balance les questions, entre le trop et la question qui va déverrouiller.
Qui va permettre l'échange, qu'ils nous reconnaissent et que les premières barrières tombent, qu'ils lâchent un peu prise.
Alors on continue on joue d'humour, d'explication, d'écoute, de considération... On parle de produits, de réduction des risques, de prise de risques, de plaisir...de nous "et toi tu fumes ? ".
Le temps passe ils sont restés avec nous alors qu'ils avaient fini. Une ébauche de lien s'est créée, des graines sont lancées, une première rencontre a eu lieu.

Et puis, la satisfaction d'avoir accompli quelque chose ce jour là se résume en une phrase
"Mais vous êtes entrain de travailler là ?"

Jérémy