Parlons pratiques !

La première rencontre

De toi à moi...
Notre première rencontre sera dans la rue, obligée pour toi car placé, déplacé, replacé...en institution car pas tout à fait comme il faudrait...
Derrière un bureau, les barreaux, en binôme, seul.
Après un coup de file, par hasard, pour un entretien d'admission.
Toi tu seras un adulte, un enfant, un adolescent, une femme, un homme, un trans...
De toi à moi et de moi à toi,
La première rencontre moment si particulier, conditionnée par l'impossible ambition de se voir éduquer...
Moment emprunt de domination, de représentations, de toi contre moi, de moi par rapport à toi... De pas envie pour toi, d'espoir de trop d'espoir aussi, parfois, de :
"Tu vas m'éduquer toi ?"...
"Non... enfin...j'sais pas t'en penses quoi toi ? Si on s'éduquait ensemble ?"
De toi à moi et de moi à toi,
Peut-être qu'on sera toi comme moi des acteurs de ce moment si particulier et que ni toi ni moi ne bougerons de notre rôle...Normal pour toi, facile pour moi je n'aurais qu'à dire que tu es trop...ou pas assez...qu'on est pas en capacité de t'accueillir...
Peu de chance d'une rencontre.
Mais de plus prêt je pense que...
De toi à moi,
Tu as l'air terrorisé, stressé, inquiet, je te dérange, tu souffles, tu souffles un grand coup, tu souffres sans doute..
Il s'en passe des choses chez toi...
De moi à toi,
Moi aussi, j'ai peur parfois, tu m'intriques, j'ai de la peine, tu me touches, je te comprends pas parfois aussi, tu me fatigues déjà, je suis content, on m'a beaucoup parlé de toi... Quoi qu'il en soit pour toi, à  moi d'être au clair avec...moi, parce que je te dois ça.
De moi vers vous
"Professionnel de la relation", ne sous-entend pas hygiéniste des émotions...A quoi bon faire une rencontre sans émotion...

Jérémy


"Aller vers"

La prévention spécialisée dans les locaux de la ferme de Champagne le sacro-saint de la "rééducation spécialisée"...La PJJ...
Un gouffre dans la manière de travailler : la libre adhésion d'un côté, l'obligation de l'autre...l'absence de mandat, le jugement pour ligne directrice...l'anonymat, les rapports au juge...
Pourquoi ? Pour parler addiction... avec les jeunes.
Le cadre de la "prév" est garantie par l'équipe sur place alors on y va.
Les jeunes on ne les connait pas, jamais vus, jamais entendu parlé et tant mieux.
On y est et...ils sont là...
Il est midi on a prévu de manger avec eux.
Attablés...Ils sont quatre ce jour là. Deux places sont libres entre eux, l'une en face de l'autre.
Téléphone portable, écouteurs sont sorties...
Alors les regards sont intrigués quand on entre dans le réfectoire "C'est qui eux ? ".
Sa fuse dans les têtes, les regards sont pesants, jugeant, inquiets ?
Les jeunes ont presque fini de manger, deux places  libres entre eux et au milieu de la table...
Pas évident ! Pourtant si on n'y va pas inutile d’espérer quoique se soit... En même temps c'est leur temps de pause déjeuner, tranquille... Hésitation.
Cette hésitation c'est un mélange de gêne, de peur de l'inconnu de la relation , de se faire recaler... C'est le moment ou l'on commence à grimper à une falaise et l'on espère être bien assuré...Cette falaise c'est celle de la rencontre, de l'altérité, de la relation...
Ce moment, c'est le moment pour lequel on est là.
Alors on y va : "Bonjour, ça vous dérange si on mange avec vous ? "
Basique mais décidé, une vraie envie d'être là, avec eux, de partager.
Une vraie envie qu'ils sentent cette intention, l'intention autant que les mots, le corps autant que l'esprit.
"Non pas de soucis".
Le premier pas est fait on est parmi eux, juste à côté, côté à côté, dans la forme comme sur le fond.
Maintenant il faut tisser... Tisser le lien entre eux et nous.
Alors, on sort les outils. Pour des bricoleurs de la relation, on prend le temps de se présenter, on toise les réactions puis on balance les questions, entre le trop et la question qui va déverrouiller.
Qui va permettre l'échange, qu'ils nous reconnaissent et que les premières barrières tombent, qu'ils lâchent un peu prise.
Alors on continue on joue d'humour, d'explication, d'écoute, de considération... On parle de produits, de réduction des risques, de prise de risques, de plaisir...de nous "et toi tu fumes ? ".
Le temps passe ils sont restés avec nous alors qu'ils avaient fini. Une ébauche de lien s'est créée, des graines sont lancées, une première rencontre a eu lieu.

Et puis, la satisfaction d'avoir accompli quelque chose ce jour là se résume en une phrase
"Mais vous êtes entrain de travailler là ?"

Jérémy


"La bonne distance"

Je dis :
Un truc abstrait, un truc dont tout le monde parle mais personne ne l'a jamais vu...Un truc pas très bien défini...Un garde-fou peut être, un argument accablant, culpabilisant sans doute...Un truc qui empêche pourquoi pas ! Un truc du genre "t'es pas à la "bonne distance" là !"
La "bonne distance"...
Oxymore inapproprié pour qualifier une relation humaine composée d'un savant mélange de rencontre, de lien d'émotions...
Ils disent : "ça  n'empêche pas ! Restons professionnel "
Je dis : Arf, elle se trouve ou cette bonne distance ? A égal "distance" entre ce que je ne m"avoue pas et ce que l'autre me renvoie ?! Autrement dis aucune chance de rencontre...
Au moment ou je perds le contrôle de la relation ? Pléonasme accepter de perdre un peu de soi pour mieux se rencontrer : l'altérité...Ça s'appelle !
Aller chiche on se dit que l'on est tous différents et que nécessairement cette différence entraîne vers l'inconnue.
Aller chiche on parle de nous à la place de se réfugier derrière les autres, derrière ceux qui mettent tout en échec, derrière les "cas-soc", derrières les "pinpins"...
La "bonne distance", miroir aux alouettes pour camoufler la peur !
La peur de toi dans l'autre, ou peut être la peut de te trouver toi autrement dans l'autre ? Alors tu te caches derrière la "bonne distance".
S'interroger sur la nature du lien offre bien plus de possible...
Boaf... mais c'est sans doute pas la "bonne distance"

Jérémy


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