jeudi 28 mars 2019

Accoudé au zinc


Accoudé au zinc il est un Empereur, un Seigneur du troquet. Les troquets il les connait.  Il les fréquentent, parce que c 'est chaud les rades, parce qu'il y a toujours moyen de pallasser,  et puis de tant en tant il peut taper le carton.
Alors, il prend racine, puis un changement de propriétaire survient et il migre autre part, ailleurs

Cette fois son bistrot fait le carrefour, il a pignon sur le boulevard. Boulevard sur lequel il traînait ses grolles quand il était minot.
Son école était a deux pas. L'école c’était pas son for.
C'était plus le genre mauvaise graine, un brin gringalet, les sourcils froncés, plutôt solitaire.
Il cherchait pas la castagne fallait pas non plus le toiser trop longtemps du regard.
Son frangin était dans les parages en cas de baston. Il le défendait pour sûre.
Son frangin c'est le grand frère, le poto...Le genre de type qui va lâcher sa gonzesse pour envoyer un ou deux bourres pifs si son petit frère doit en découdre.
Les autres, ils l'aimait pas bien ce minot. Il était mystérieux. Ce mystère qui dérange dans une cours d'école. Ce mystère, une faille invisible mais ouverte par l’absence d'une mère. 
Son frère à s'en doute décidé ce jour là, sans le savoir, de le protéger contre vents et marée.
Mais un jour du haut de ses onze ans un lascar lui a demandé ou était sa mère. Le minot a vu rouge le lascar n'a eu qu'a se rhabiller. Il a été renvoyé, son père l'a expédié chez les tantes, pour qu'il travail à la ferme.
Accoudé au zinc il a son avis sur tout, politiquement nul part personne ne l'a jamais aidé. Lui c'est le gars qui s'est construit tout seul. Le genre de bourlingueur issu d'une génération ou il fallait se demerder.  Génération qui croyait au mérite, qui croyait au travail et qui dit maintenant : "Avant y avait du respect, avant c'était mieux ! Alors ouais on n'a pas beaucoup été à l'école ! Mais on savait se lever d'bon heure s'il fallait". Le verbe aussi haut que son verre est plein. Faut dire que chez les tantes il a trimé. "L'école de la vie" comme elles disaient. Le coq pour réveil puis les bêtes pour travail. L'échine courbée, il ne s'est jamais plein pendant ces trois années. 
Puis la sonnerie du bigophone des tantes qui résonnent encore comme un foutu écho dans la caboche. Toujours l'espoir que se soit son père...En vain.   
Alors, il a pris son paquetage et s'est fait la malle vers ailleurs... Il a traîné, bazardé...S'est fait embaucher, à l'époque c'était possible. 
Il a été ferrailleur, plombier, maçon...Aujourd'hui il a les paluches du travail, endurci par le froid, les coups, le labeur manuel.
Les biftons il a su les faire cracher il a eu de belles années, il était son ptit commerce...Reconnu pour ce qu'il faisait, sa barque il l'a mené. Sûre qu'il n'a  jamais complètement roulé sur l'or mais jamais était totalement à la rue non plus. 
Il savait aussi juste filer le coup de main contre un verre et un bon gueuleton.
Accoudé au zinc, sa vie il l'enivre dans une buée d'alcool.  

Jérémy





Accoudé au zinc Jacques

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